Yun Dong-ju
Yun Dong-ju (윤동주) est l’un des poètes les plus aimés de Corée. Non pas parce qu’il a écrit beaucoup, ni parce qu’il a mené une vie spectaculaire, mais parce que ses poèmes donnent l’impression de parler à voix basse, avec sincérité. Ils posent des questions simples et profondes à la fois : comment vivre sans trahir sa conscience ? Comment rester soi-même quand le monde autour impose le silence ?
Naître loin de la Corée
Yun Dong-ju naît en 1917 à Myeongdong, un village coréen situé en Mandchourie, sur un territoire alors administré par la Chine. Beaucoup de familles coréennes vivaient dans cette région à l’époque, fuyant la pauvreté ou la domination japonaise. Yun Dong-ju grandit donc dans une communauté coréenne, mais hors de la péninsule. Cette situation, entre appartenance et éloignement, marque profondément son regard sur le monde.
Il est élevé dans une famille chrétienne, où l’on accorde beaucoup d’importance à l’éducation, à la morale et à la langue. Très tôt, il aime écrire, observer la nature, regarder le ciel. Ses poèmes garderont toujours cette simplicité : des mots clairs, des images sobres, comme s’il refusait d’en faire trop.
Après ses études secondaires, Yun Dong-ju part étudier en Corée, d’abord à Pyeongyang puis à Séoul, à l’école Yonhi (aujourd’hui l’université Yonsei). Il écrit beaucoup, mais doute sans cesse de lui-même. Il se demande s’il est légitime d’écrire sous occupation japonaise, s’il ne devrait pas agir autrement, plus directement.
Il séjourne aussi en Chine, notamment dans la région de Yanji, où vivent de nombreux intellectuels coréens exilés. Là encore, il se sent à la fois entouré et seul, engagé intérieurement mais incapable de se résoudre à la violence ou à la haine. Sa poésie devient un lieu de refuge, mais aussi d’examen de conscience.
Le Japon et le poids du silence
En 1942, Yun Dong-ju part au Japon pour poursuivre ses études, à Tokyo puis à Kyoto. Comme tous les Coréens de l’époque, il est obligé d’adopter un nom japonais, une épreuve qu’il vit très mal. Ce changement imposé touche à ce qu’il a de plus intime : son identité, sa langue, son nom.
C’est au Japon qu’il écrit certains de ses poèmes les plus connus, dont « Prologue », où il exprime son souhait de vivre sans honte, en regardant le ciel jusqu’à la fin. Ces vers, très simples, sont aujourd’hui connus de presque tous les Coréens.
Arrestation et mort
En 1943, Yun Dong-ju est arrêté par les autorités japonaises, soupçonné d’activités indépendantistes. Il est emprisonné à Fukuoka. Il y meurt en février 1945, à l’âge de 27 ans, quelques mois seulement avant la libération de la Corée.
Les circonstances exactes de sa mort restent floues. Beaucoup pensent qu’il a été victime de mauvais traitements ou d’expériences médicales. Sa disparition est silencieuse, injuste, à l’image de tant de destins brisés à cette époque.
Une œuvre courte
Yun Dong-ju n’a presque rien publié de son vivant. Il hésitait, se jugeait trop imparfait, craignait de ne pas être fidèle à ses valeurs. Après la guerre, ses amis rassemblent ses poèmes dans un recueil intitulé « Ciel, vent, étoiles et poésie », publié en 1948.
Ce livre devient rapidement un texte majeur de la littérature coréenne moderne. On y trouve des poèmes sur la nature, la foi, la jeunesse, la culpabilité, mais surtout sur le désir de rester honnête avec soi-même. Yun Dong-ju ne cherche pas à dénoncer frontalement ; il observe, il doute, il se questionne.
Aujourd’hui encore, Yun Dong-ju est très présent en Corée. Ses poèmes sont appris à l’école, cités dans les discours, gravés sur des pierres dans des parcs ou des musées. Mais au-delà de l’hommage officiel, il continue de toucher parce qu’il ne donne pas de leçons.
Lire Yun Dong-ju, c’est entendre la voix d’un jeune homme qui aurait pu être n’importe qui. Quelqu’un qui n’a pas su être un héros, mais qui a essayé, simplement, de ne pas se mentir.
서시 - Prologue
죽는 날까지 하늘을 우러러
한 점 부끄럼이 없기를,
잎새에 이는 바람에도
나는 괴로워했다.
별을 노래하는 마음으로
모든 죽어 가는 것을 사랑해야지.
그리고 나한테 주어진 길을
걸어가야겠다.
오늘 밤에도 별이 바람에 스치운다.
Jusqu'au dernier souffle, les yeux rivés vers le ciel,
Puissé-je ne connaître aucune honte.
Même le vent qui frissone entre les feuilles
M'a tourmenté.
Avec un coeur qui chante les étoiles,
J'aimerai tout ce qui s'éteint,
Et je suivrai le chemin
Qui m'a été donné.
Ce soir encore, les étoiles sont effleurées par le vent.
Traduction de Doyle Kim





